Dénutris ou en surpoids : un enfant de moins de 5 ans sur trois ne reçoit pas l’alimentation dont il a besoin pour bien grandir, s’alarme l’Unicef dans un rapport de grande ampleur publié mardi 15 octobre. « De nombreux pays pensaient avoir relégué la malnutrition au rang des problèmes du passé, mais ils découvrent qu’ils ont un nouveau problème très important », souligne Victor Aguayo, chef du programme nutrition de l’Unicef, interrogé par l’AFP.
Sur les 676 millions d’enfants de moins de 5 ans vivant dans le monde en 2018, environ 227 millions (soit un tiers) étaient sous-nutris ou en surpoids, et 340 millions (soit la moitié) souffraient de carences alimentaires, calcule l’agence de l’ONU pour la protection des enfants. Sur fond de mondialisation des habitudes alimentaires, de pauvreté persistante et de changement climatique, un nombre croissant de pays cumulent ces différents visages de la malnutrition, compromettant leur développement futur, analyse l’Unicef, qui évoque un « triple fardeau ».
« La façon dont nous comprenons et répondons à la malnutrition doit changer : il ne s’agit pas seulement de donner aux enfants assez à manger, il s’agit avant tout de leur donner la bonne alimentation », souligne Henrietta Fore, directrice de l’Unicef, dans un communiqué de presse accompagnant le premier bilan de cette importance sur le sujet publié par l’organisme depuis vingt ans.
La sous-nutrition, problème majeur
La sous-nutrition reste au premier plan, affectant environ quatre fois plus de jeunes enfants que le surpoids. Si le nombre d’enfants ne recevant pas suffisamment de nourriture au regard de leurs besoins nutritionnels a beaucoup baissé (– 40 % entre 1990 et 2005), cela reste un problème majeur pour de nombreux pays, principalement en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud.
Ainsi, 149 millions d’enfants dans le monde sont trop petits pour leur âge (retard de croissance en raison d’une malnutrition chronique) et 50 millions, trop maigres par rapport à leur taille (émaciation, liée à une malnutrition aiguë ou à un problème d’absorption des nutriments).
L’Unicef met également l’accent sur les 340 millions d’enfants souffrant de « faim cachée », car ils reçoivent un nombre de calories suffisantes mais manquent de minéraux et de vitamines indispensables à leur développement (fer, iode, vitamine A et C en particulier, du fait du manque de fruits et légumes et de produits d’origine animale). Or, ces carences peuvent avoir de sévères conséquences physiques (système immunitaire déficient, problèmes de vue ou d’audition) et intellectuelles. Ce phénomène commence dès le plus jeune âge, avec trop peu d’allaitement maternel et une diversification alimentaire menée avec des aliments inappropriés, note l’Unicef.
Fast-food et pauvreté
Il est amplifié par « l’accessibilité croissante de nourriture riche en calories mais pauvre en nutriments », de type fast-food, nouilles instantanées, etc. Enfin, le surpoids et l’obésité connaissent un développement rapide, avec 40 millions de jeunes enfants touchés, y compris dans les pays pauvres. Alors que ce problème était quasiment inconnu dans les pays à faible revenu en 1990 (seuls 3 % des pays de cette catégorie comptaient plus de 10 % de jeunes enfants en surpoids), les trois quarts d’entre eux doivent désormais y faire face.
« Par le passé, on pensait que (…) le surpoids et l’obésité étaient la malnutrition des riches, mais ce n’est plus le cas », observe Victor Aguayo, médecin en santé publique. « Les différentes formes de malnutrition coexistent de plus en plus dans le même pays (…) et souvent dans le même foyer » (avec une mère en surpoids et un enfant dénutri par exemple) voire « chez un même individu à différents âges de sa vie », la malnutrition dans l’enfance constituant un facteur de risque de surpoids et d’obésité à l’âge adulte, ajoute-t-il.
Cette situation est étroitement liée à la pauvreté : elle touche davantage les pays pauvres et les populations précaires des pays riches, souligne aussi l’Unicef. Pour améliorer cet état de fait, l’organisme encourage les gouvernements à promouvoir et rendre accessible économiquement les aliments nécessaires à un régime équilibré. Il appelle aussi à davantage réglementer la promotion du lait infantile en poudre et la publicité des boissons sucrées, et à mettre en place un étiquetage nutritionnel des aliments « facilement compréhensible », pour aider les consommateurs à faire des choix meilleurs pour la santé de leurs enfants et la leur.